Avant la guerre
Papa, né le 23
septembre 1903, a fait en partie son service militaire au Maroc, en 1923-24 ;
basé à Casablanca, il fut prévôt d’escrime au 2ème Zouaves. Une fois
libéré il revint habiter à Nogent-sur-Marne, chez son père, 20 rue André Pontier ;
le 19 décembre 1931 ce dernier acheta un pavillon, au 53 rue Thiers, lieu où je
passais plus tard toute ma jeunesse. Au rez-de-chaussée se situait l’atelier de
tôlerie où ils travaillaient tous les deux.
Papa se maria avec Maman le 25 juillet 1934
et ils espéraient tous les deux avoir bientôt un enfant qu’ils appelèrent
rapidement « Jackie ». La guerre allait bien vite bousculer leurs
espérances de vie tranquille et heureuse.
Enrôlé rapidement, Papa passa la
« drôle de guerre » dans le nord de la France. Ce fut pour eux
l’occasion d’écrire de nombreuses lettres ; mais j’ai longtemps ignoré que
celles de mon père avaient été gardées par Maman. Ce fut ma sœur qui en
découvrit une quarantaine, après le décès de ma mère en 1987.
Les nombreuses lettres parlaient évidemment de "Jackie" et de la grossesse de Maman; celle-ci, fatiguée, était partie chez sa sœur, à Verneuil-sur-Avre, où son mari dirigeait une petite usine. Mais les échanges de lettres continuèrent de plus belle; je cite ici une partie de celle du 27 septembre 1939.
« … j’ai bien reçu ton
mandat… mais le paquet n’est pas arrivé… Mais que vois-je mon petit chou tu
t’inquiètes sur le choix d’un prénom féminin ? En espérant tout de même
que tu feras l’impossible pour mettre au monde notre petit Jackie tant désiré
je vais cependant répondre à ta question. Pour me confiner au choix que tu as
fait, je pencherais pour que notre fille, si elle doit en être une, se prénomme
ainsi : Raffi, Christiane, Marie, Lucie, ce qui présenterait l’avantage de
complaire à sa Maman, ses grand-mères paternelle et maternelle car ma mère
s’appelait Mariette ce qui est un diminutif de Marie…
La naissance da sœur Christiane (Cricri) lui
permit d’obtenir une permission et d’aller la voir à Verneuil. Il ne savait pas
alors qu’il n’allait pas la revoir avant septembre 1945.
La captivité
Quand les Allemands envahirent la Belgique,
l’unité de Papa s’y rendit, fin mai 1940, sa dernière lettre partant de France
le 14 mai. Son régiment fut repoussé en France par une attaque allemande
foudroyante : il fut capturé le 21 mai à Amiens. Il n’en reparlera pratiquement
jamais ; j’ai cru comprendre qu’il s’était senti abandonné par ses
officiers qui auraient fui laissant les simples soldats tout seul !
Dans son stalag, il fut d’abord envoyé dans
une ferme, mais il ne put tenir la cadence de travail, physiquement ; il
fut ensuite employé dans un dépôt ferroviaire ; ce fut à cette occasion qu’il
put effectuer sa seule tentative d’évasion : il fut malheureusement découvert,
caché dans un tender, avant que le train ne le ramène en France ; Papa ne
m’a jamais donné trop de détails mais de là venait probablement sa
claustrophobie. Il a manifestement voulu refermer complètement cette
« parenthèse » car il ne me raconta jamais sa vie au stalag ;
tout juste appris-je qu’il avait été libéré par les Russes et qu’il était
rentré en bateau de Mourmansk jusqu’au Havre.
Ce que j’ai découvert ensuite vient essentiellement des documents que j’ai pu obtenir via les services de la Croix Rouge, à Genève. Il passa essentiellement sa captivité dans deux stalags.
A noter que le terme allemand 'bleischmied' signifie ferblantier, rétameur… en l'occurrence cela se rapportait à l'atelier de tôlerie industrielle que dirigeait Papa.
La première lettre de captivité de Papa (une
carte plutôt) ne parvint à Maman qu’en aout, c’est dire l’angoisse qui a dû la
miner pendant des mois. Ces cartes ne permettaient pas de grandes
envolées ; elles montrent surtout un moral d’abord relativement élevé (« nous
nous retrouverons à Noël » sur une carte écrite en octobre 40),
puis de moins en moins optimiste comme on peut le voir sur cette carte du 1er
mars 1942 où il évoque malgré tout un retour rapide… alors qu’il ne rentrera
que trois ans plus tard.
A
suivre







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